Redevenir l’artisan de son activité - le job crafting au service du sens au travail

Redevenir l’artisan de son activité - le job crafting au service du sens au travail

Publié le 05/07/2023

Dans un précédent billet, nous avons identifié 3 niveaux auxquels le management et les équipes peuvent agir pour ré-investir ce qui fait sens dans l’entreprise et dans les actions de chaque collaborateur au quotidien.

A chaque niveau, un défi général et des leviers spécifiques de sens peuvent être rattachés :

  • Stratégique : comment pouvons-nous mieux contribuer au monde et alimenter notre besoin d’utilité, de cohérence éthique et d’impact positif sur notre environnement ?
  • Organisationnel : comment mieux travailler ensemble et renforcer notre capacité d’agir, de réalisation d’un travail  bien fait et vivant  et d’autonomie collective ?
  • Opérationnel : comment mieux vivre son job en solidifiant son équation de bien-être au travail, sa capacité de choix des modalités d’exercice et de focalisation sur ce qui est important pour soi et son développement ?

C’est ce dernier niveau plus micro que nous proposons de développer ici. Comment puis-je redevenir un peu plus l’artisan de mon propre travail, me connecter davantage à mes équilibres, à mes pépites personnelles pour renforcer ce sentiment de cohérence indispensable à mon unité et mon identité ?

     1.     Le job crafting au service du sens

L’idée centrale du job crafting telle qu’elle a été modélisée par deux chercheuses en comportement organisationnel (Wrzesniewski et Dutton, 2001) est que la capacité de l’individu à concevoir et modeler son travail à son image ou à sa manière renforce l’engagement et la satisfaction au travail. Ce processus de customisation et de recombinaison choisie de ses tâches et relations au travail est susceptible de répondre à trois besoins essentiels dans l’activation du sens :

  • S’investir sur ce qui est important pour soi (en termes de valeurs, principes, centres d’intérêts),
  • Être à l’origine de ses choix et comportements (principe d’auto-direction),
  • Pouvoir se sentir libre de faire ou ne pas faire (le sentiment de liberté renforce l’appropriation et l’engagement, le sentiment de contrainte les réduit).

Ces 3 besoins essentiels sont au cœur des théories de l’engagement chez Kiesler, (1971), ou Deci et Ryan (1985) par exemple.

Concrètement, le modèle originel du job-crafting propose d’ajuster trois leviers principaux et essentiels au cœur de l’activité et de la collaboration : 

- Les tâches : 

  • Pouvoir faire évoluer et recombiner les tâches, leur nature, et leur périmètre     
  • Pouvoir ajuster le temps dédié à chaque activité selon ses centres d’intérêt et son organisation du temps. 

- Les relations     

  • Pouvoir ajjuster la quantité et la qualité des relations avec les collègues, les N+1, les clients, les fournisseurs et autres parties prenantes. 

- Les perceptions/représentations de son activité       

  • Pouvoir re cadrer la manière d’envisager ses missions, se connecter à ses motivations profondes et ses compétences émergentes,
  • Remettre en question l’existant pour se réinventer, se développer et ajuster son identité professionnelle. 

Notons que la capacité à personnaliser son environnement de travail (changer d’espace, customiser son lieu de travail, le rendre plus « beau », plus clair, plus circulant…) peut être ajouté à ce modèle comme un axe de personnalisation de l’expérience collaborateur à l’heure ou le télétravail est une pratique réelle et structurante dans nos sociétés. 

C’est ce mouvement global de réappropriation de son activité et de ses modalités d’exercice qui contribue à donner un supplément de sens au niveau le plus intime de la collaboration. Il permet potentiellement de consolider le sentiment d’alignement et d’unité en renforçant la capacité perçue à : 

  • Développer des relations choisies et donc plus utiles et fructueuses pour l’individu,
  • S’investir dans les domaines d’intérêt et de passion qui permettent de se connecter à ses zones d’envies, de talents et donc d’énergie durable,
  • Mieux s’adapter aux inévitables challenges et difficultés grâce à un socle personnel plus robuste ou résilient,
  • Répondre à ce besoin émergeant de personnalisation de l’expérience collaborateur et d’autodétermination. 

Pour résumer l’idée centrale au cœur de ce mouvement, nous pourrions dire que l’ambition est d’activer l’énergie vitale et l’envie de chacun au service de son développement et de son œuvre, tout en réduisant le sentiment de contrainte et d’inertie perçue synonyme de désengagement potentiel.

     2.     Les 5 conditions de réussite du job crafting 

Toute pratique ou toute ambition trouve sa vérité dans le réel…et évidemment lasubtilité de l’équation réside dans la réciprocité des bénéfices pour les collaborateurs concernés, ses interlocuteurs clés et l’organisation.

Cette possibilité de marge de manœuvre et de sens potentiel doit se construire conjointement entre managers, organisation et collaborateurs dans une exigence de co-responsabilité et d’interdépendance.

Cinq leviers de réussite peuvent être activés conjointement entre les managers et les collaborateurs : 

  • Expression des motivations et besoins des collaborateurs : leur donner des autorisations d’expression de leurs attentes ou de leurs besoins d’alignement supplémentaire,
  • Conciliation des objectifs des collaborateurs et de l’organisation : partager les attentes/priorités de l’entreprise et demander à chacun.e ses propositions/ses souhaits dans ce cadre général (ce contrat social),
  • Réciprocité de la satisfaction : s’assurer régulièrement de la « symétrie des satisfactions » et se donner la disponibilité de bien veiller aux différents signaux faibles ou points d’alerte,
  • Possibilités d’ajustements : se mettre d’accord d’emblée sur la possibilité de revenir en arrière, aller plus loin, faire un pas de côté pour affiner cette nouvelle équation de collaboration,
  • Feed-back et échanges réguliers :  créer l’espace de dialogue et le rituel où ce sujet est partagé voire débattu pour intégrer cette pratique dans la structure de l’organisation et du système de management.  

C’est à ces conditions que cette belle ambition de collaboration vivante et d’alignement portée par le job crafting pourra exprimer pleinement son potentiel de supplément d’âme et de sens. 

Laurent Juguet
LinkedIn Laurent Juguet

Laurent Juguet

13 ans d’expérience riches et diverses de management dans des enseignes de la distribution et du négoce : direction de centre de profit, direction multi site, pilotage de projets transverses…
Expérience en cabinet RH: Recrutement-Evaluation-Coaching-Conseil en management-Formation

Certification :
- MBTI

Sur le même thème
Thèmes