La boussole managériale de la raison d’être
Activer le sens en 3 dimensions
Dans un précédent billet nous avons identifié 3 niveaux potentiels de (ré) activation de sens à investir par les managers et leurs équipes. A ces 3 niveaux (stratégique, organisationnel et opérationnel) se posent 3 grands défis porteurs de sens, dont les managers et collaborateurs sont amenés à se saisir de leur mieux selon le niveau d’action et de contrôle qu’ils peuvent exercer dessus.
Nous pourrions poser ces 3 enjeux simplement de la manière suivante :
Stratégique : comment pouvons-nous mieux contribuer au monde en nourrissant à notre niveau la raison d’être de l’entreprise ?
Organisationnel : comment pourrions-nous mieux travailler ensemble et co-construire des espaces de discussion sur notre « travail vivant » ?
Opérationnel : comment pourrais-je redevenir l’artisan de mon activité et retrouver des marges de manœuvre personnelles compatibles avec les enjeux de mon unité et de mon manager ?
Au cœur de ces 3 défis se tient le manager passeur de sens, cet acteur.ice - pivot désigné comme le médiateur de sens portant la responsabilité de faciliter ce mouvement complexe de « sensemaking » à travers 3 gestes clés :
Traduire la raison d’être et les finalités de l’entreprise auprès de ses équipes
Connecter les 3 niveaux décrits plus haut dans un effort de cohérence et d’alignement
Faciliter, guider et structurer et les processus collectifs de construction de sens autour des finalités et des modalités de collaboration.
Nourrir la raison d’être et faire vivre les finalités de l’entreprise
« L’entreprise doit devenir un moyen au service d’une cause plus grande qu’elle-même ». C’est par ce titre évocateur que Julia de Funes invitait dans un édito (Philonomist, 2020) au dépassement de l’entreprise comme fin en soi, à une contribution plus assumée à un sens plus grand qu’elle-même ou à une cause transcendante permettant de répondre aux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux.
La loi PACTE de 2019 a un peu plus invité les entreprises à se doter d’une raison d’être, c’est-à-dire à préciser en quoi l’entreprise est utile à son écosystème et à l’intérêt collectif. Mais comme souvent le mouvement prend de l’ampleur par le fait social et l’aspiration des jeunes générations d’actifs qui veulent intégrer une organisation où ils se sentiront en cohérence éthique et où ils pourront contribuer à l’alimentation d’une raison d’être qui devient à leurs yeux un objet d’attractivité fort et un levier d’engagement très concret.
Travailler dans une entreprise qui offre une vision de ses finalités, cohérente dans ses actes avec ses intentions d’utilité au monde, où les collectifs œuvrent pour façonner un objet commun dans un sentiment d’appartenance partagé et où chaque contributeur perçoit le sens et l’utilité de sa mission pour nourrir ce bien commun, voilà un challenge majeur dont l’entreprise doit se saisir urgemment avec l’aide de son management.
Simplement, entre des raisons d’être parfois très large voire « hors sol » et leur traduction concrète, incarnée et vivante, il est un espace important à combler pour des managers et de équipes plongés dans la grande machine à laver du quotidien.
« Aider les habitants à rêver leur maison et les accompagner dans leur réalisation » (raison d’être de Leroy Merlin) ou encore « Permettre à chacun de vivre pleinement des expériences sans laisser d’autres empreintes que celles de ses pas » (raison d’être d’Aigle)… ok… mais « comment je fais, moi manager, pour rendre cela opérant et stimulant pour mes équipes ? »
Se doter d’une boussole de la raison d’être
Les leviers de sens que nous avons identifiés précédemment peuvent constituer des axes utiles et pertinents pour faire vivre les finalités et la raison d’être de l’entreprise dans la relation de collaboration. Nous proposons 4 espaces de questionnement, de dialogue et d’action que le manager peut alimenter avec ses équipes opérationnellement. Cette « boussole » peut par ailleurs enrichir les rituels managériaux et notamment les échanges autours des attentes réciproques manager/managé (lien vers billet de Pierre sur les attentes). Elle répond par ailleurs à 4 besoins essentiels et 4 vecteurs concrets de construction de sens au quotidien :
- Se sentir utile et avoir de l’impact positif au quotidien
- Contribuer à des finalités « plus grandes que soi »
- Agir en cohérence avec des principes clairs et ses valeurs
- S’engager et faire sa part
La boussole du sens du manager- Kronos
Une des difficultés rencontrées par les managers pour faire vivre le sens concrètement est que cette notion est polysémique, multidimensionnelle et potentiellement très personnelle. Comme nous le rappelle Fabienne Hanique (2004) « L’élaboration de sens est une affaire intime, constamment et âprement négociée par chacun d’entre nous ». Ce processus de Sensemaking (Karl Weick, 1995) est complexe, long, itératif et se construit par boucle dans des allers-retours permanents entre le partage de la vision d’entreprise et des représentations croisées des managers et des collaborateurs. C’est justement pour cette raison qu’il est fondamental de faire vivre ces 4 espaces de construction concrète de sens dans la relation managériale du quotidien, en one-to-one et dans ses pratiques managériales collectives.