Changer les pratiques managériales : Par où commencer ?
Le management vit une mutation profonde, évidemment impulsée par celle des entreprises, et plus généralement de la société. Nous sommes nombreux à nous exprimer sur le constat, les raisons, et beaucoup de choses très intéressantes ont été dites. Pour autant, en tant que dirigeant, mais aussi consultant en management, je ressens la nécessité de passer du constat à l’action. Je vous propose donc un billet d’humeur « pratique », qui je l’espère donnera des ailes à certains d’entre vous…bonne lecture !
Un bref rappel du contexte…
Pour remonter au plus loin qu’il est possible, il semble que depuis que l’Homme est Homme, il a toujours eu besoin de s’organiser, de se structurer, de progresser. Pourquoi a-t-on créé la structure du temps, (les jours, les heures et les minutes ?), pourquoi a-t-on eu besoin de nous organiser en clan, puis en groupe, puis en village, etc…Pourquoi a-t-on eu besoin d’acquérir, de posséder, de diviser, de répartir, pourquoi, pourquoi, pourquoi !!!???? Tout simplement parce que nous sommes l’espèce humaine….et que nous appartenons à un ordre (cosmique, terrestre, biologique), lui-même répondant à des éléments structurants. Nous sommes dépendants de nous-mêmes…nous avons besoin de nous régénérer (manger, dormir) très régulièrement. Nous sommes une machine très puissante, mais avec peu d’autonomie. Pendant des siècles, le rythme du développement des civilisations s’est calé sur celui que les Hommes, par leur force, pouvait fournir. Donc, l’Homme, quand il découvre qu’il peut outrepasser la force du bras (mode agricole/agraire) par le charbon ; il découvre par la même occasion qu’il peut outrepasser les limites inhérentes à son propre fonctionnement. Dans les premières manufactures, la main d’œuvre qui venait des villages était composée de paysans, d’ouvriers de la terre, réglés par le rythme des saisons, du climat…donc réglés au jour le jour, avec une part d’aléas très fort. La notion de prévision était tout à fait inopérante… Mais celle de la réactivité et celui du bon sens étaient certainement plus forts. Arrive donc la révolution du charbon…la fameuse « révolution industrielle ». Les moteurs des machines, des bateaux, des avions permettent de faire plus, en moins de temps. Le modèle rationaliste, productiviste apparait ; la suite, vous la connaissez…le « command and control » va prendre une ampleur planétaire et devenir le paradigme principal du management pendant plus de cent ans. Reconnaissons quand même que, si cette approche n’a pas eu que des vertus, cette expansion a considérablement amélioré les conditions de vie dans les pays développés, et les impacts sont énormes (Prenez la médecine par exemple). Les phases de transition que vit la civilisation sont toujours des phases d’interrogation, de grincement. Il s’agit de savoir, à chaque étape de rupture technologique (imprimerie, charbon, internet) comment accompagner les organisationsquand le « tout est possible » apparait…et qu’il faut surtout s’interroger sur « ce qui est souhaitable ». Dans le champ de l’entreprise et particulièrement dans le monde des RH, un débat fait rage : « Pour ou contre » l’entreprise libérée, le bonheur au travail, la confiance, les modèles alternatifs, les innovations managériales, etc. Cette caricature plus qu’alimentée dans sa majorité par des non praticiens de tous bords, est aussi théâtrale qu’un débat politique de type « des paroles et des actes » : les gentils contre les méchants : arguments commerciaux, exagérations, manque de discernement, populisme.
Quel avenir pour le management ?
Il est excessif de penser que l’avenir du management est un avenir « sombre ». C’est juste un avenir « différent ». Dans toutes les entreprises, il y aura toujours des hommes et des femmes qui « feront autorité », ne serait-ce que par la logique du capital (actionnaires), ou simplement parce qu’ils auront été choisis (leader). Est-il encore nécessaire de d’expliquer que par « régulation autonome », le collectif, s’il n’a pas de chef désigné par l’organisation, s’en choisira un. Elu, choisi, il devient leader car il ou elle est « utile » au collectif. Le jour où ses ingrédients disparaissent, il perd de son « aura », et un processus de remplacement se met en place, de grès, ou de force. Le management a donc un « grand et bel » avenir devant lui ; mais il était temps que cet avenir soit questionné comme tant d’autres sujets de société. « Un » avenir possible du management se traduit dans une transformation profonde de la discipline et de ses applications opérationnelles. L’informatique va de toute façon remplacer de plus en plus l’Homme sur le « quantitatif »… il s’agit donc à l’Homme de « reprendre sa place », s’étant un peu égaré en chemin… Il s’agit pour celles et ceux qui veulent prendre des responsabilités managériales de bien réfléchir à « pourquoi » ils le font. Lorsque l’on a l’outrecuidance de prendre la « tête » d’une équipe, l’on a charge d’âmes…et l’équipe n’est pas un exutoire de nos maux personnels, l’équipe est un « cadeau » fait en prêt…Nous rendons toujours cette équipe à un moment donné…mais dans quel état ?
Quelles sont les pratiques relationnelles et sociales qui sont attendues ?
- Savoir « écouter» vraiment sans craindre d’entendre des choses qui « ne rentrent pas dans les cases »…
- Savoir « parler de tout» sans tabous, sans culpabilisation ni dramatisation des enjeux mais sans protection particulière non plus…
- Apprendre à « dialoguer» vraiment pour sortir des « double monologue » de sourds qui sont démotivants…
- « Laisser tranquille» sur les détails du quotidien qui n’ont pas d’importance pour l’entreprise, mais qui rendent aux hommes et aux femmes leur dignité sur leurs conditions d’organisation et de vie…
- « Etre précis et clair» dans ses demandes, sur les objectifs, et surtout sur les conditions de réalisation du travail…mieux vaut un cadre étroit et clair qu’un cadre large et flou
- « Elargir» ces cadres en permanence pour alimenter le processus de motivation intrinsèque et aller chercher la puissance des individus.
Comment transformer ces pratiques?
De façon non exhaustive, voici quelques pistes concrètes pour faire bouger réellement les choses…
- Agissez au niveau d’un corps social entier (une équipe, un service) pour aller chercher le mouvement et l’action…arrêtez de saupoudrer !
- La meilleure preuve du changement est « l’action » : arrêtez d’espérer le changement, pratiquez le de façon imparfaite mais réelle.
- Ne vous focalisez pas sur toutes les phases du changement comme étant des étapes obligatoires (Kubler-Ross doit se retourner dans sa tombe parfois…) - Laissez chacun aller à son rythme…sinon les gens feront juste « le reflet » de ce qu’ils pensent être attendu par vous, sans le vivre de l’intérieur
- Imaginez des changements qui aient un réel intérêt pour les équipes, pas juste pour la direction
- Le chemin est long et plein de surprises, ne promettez rien, mais soyez toujours présent pour écouter, découvrir avec eux et persévérer.
- Une fois la transformation lancée et déclarée, ramenez chaque incident ou élément du quotidien à cette transformation…la répétition a de réelles vertus en phase de changement…
- Les pratiques managériales sont souvent la résultante d’un système établi par une » instance supérieure », les changer sans changer les principes de cette instance revient à mettre des pneus neufs sur une voiture dont le moteur est cassé…aucun intérêt, sauf « à faire joli ».
- Les changements doivent s’attaquer aux éléments symboliques de l’entreprise: la fixation des objectifs, les processus de décision du quotidien, le système de contrôle…faites changer le système sur ses éléments structurants, vous verrez de réels mouvements apparaitre.
- Le « Client » est une réelle belle raison de changer, mais il ne doit pas être pris en otage dans les discours managériaux pour culpabiliser ou faire peur… Le Client est trop important !
- Ce qui « enthousiasme », c’est de voir les choses « changer vraiment »…si les gens ne s’enthousiasment pas, c’est que ça ne change pas vraiment…Repenchez-vous sur le sujet.
Pour conclure, la transformation de pratiques managériales nécessite d’agir réellement « autrement ». Il n’est pas nécessaire d’engager toute l’entreprise d’un coup, mais plus de réaliser des « quick-win » qui permettent d’emmener par la preuve, par l’action. Vous connaissez votre entreprise, vous connaissez ses équipes et ses services… Formulez ou faites formuler « simplement » à vos dirigeants les attendus, l’espoir, la vision, et parlez-en aux intéressés. En suivant les quelques principes expliqués précédemment, et quelques autres peut-être ;-), vous allez voir les choses vraiment changer…à vous de jouer ! A bientôt… Pierre E.