La confiance…sinon rien ?
« La confiance repose sur l’illusion. A vrai dire, la quantité d’informations dont on dispose est inférieure à celle dont on aurait besoin pour agir avec un succès garanti. Celui qui agit se détourne volontairement de l‘information manquante. » Niklas Luhmann, - La confiance – Economica - 1968Et oui…nous y voilà…la confiance reposerait sur une illusion…et bien malin celui qui sait, à priori, lorsqu’il s’engage dans une situation ou une relation, ce qu’il va en sortir. La vérité c’est que nous sommes incapables de prédire quoi que ce soit. La confiance, pour être comprise, doit être située à ce niveau-là précisément. La confiance est une illusion, un apriori, une hypothèse, un pari. Oui, la confiance est tout cela…mais elle est bien plus aussi. Voici un billet qui pourrait bien rebattre les cartes des relations entre un manager et ses équipes, un comité de direction et ses entités opérationnelles.
Qu’est-ce qui caractérise concrètement la confiance ?
D’abord, la confiance génère de la vitesse dans l’action car elle soustrait à tous les mécanismes la question de la méfiance et du doute. Comme le disait déjà il y a longtemps Henri Mintzberg, deux éléments de base nécessitent la formalisation d’un système de management : la division du travail et la coordination entre les personnes suite à cette division. Dit autrement, tant que vous êtes seul à tout faire, vous maîtrisez parfaitement l’information…à partir du moment où vous prenez la décision de confier une partie de ce que vous faites à une autre personne, vous divisez le travail. Arrive alors la question de la coordination entre vous deux. Simple à comprendre. A ce moment, deux possibilités : soit vous mettez en place un fonctionnement de type « officieux », régulation naturelle…on parle, on ajuste. Soit vous créez une procédure pour « sécuriser » ce que vous confiez à l’autre. L’intérêt de la procédure, c’est qu’elle laisse une trace, elle rassure. Sa limite, c’est que l’on pense qu’elle induit de fait que le geste soit réalisé précisément comme elle le dit. Le problème est que l’environnement n’est ni stable, ni prévisible. Donc, la procédure est nécessaire, mais pas suffisante. Il faut donc s’ajuster. L’ajustement prend du temps, s’organise et demande une relation saine et sereine. Trop souvent, c’est le moment où l’on cherche « le fautif » ou le « coupable ». Cette réalité retraduit des dysfonctionnements relationnels intenses et sérieux qui vont donc conduire le système à dysfonctionner : déni – mensonge – déresponsabilisation, etc…nous sommes au cœur du management. Ensuite, la confiance va permettre aussi de faciliter les relations, comme nous le rappelle N. Luhmann lorsqu’il écrit « Il y a dans la confiance qu’un être humain porte à un autre, une valeur morale aussi haute que dans le fait de ne pas décevoir cette confiance […] et il faut déjà être positivement mauvais pour le décevoir». C’est exact, et très souvent avéré. Lorsque la confiance est réellement présente, les gens sont moins enclins à ne pas aller au bout de leurs engagements car s’est créée une forme de devoir moral entre les deux et envers lui-même. Biensûr, il y a toujours des exceptions…mais elles permettent de faire la règle. Lorsque l’on vous fait confiance, qu’on vous le dit, et qu’on vous le fait réellement vivre, vous aurez majoritairement à cœur de bien faire, voir souvent mieux...parce que nous sommes ainsi faits. Ce qui annihile toute forme de responsabilité, c’est ce mécanisme contradictoire qui se nourrit de méfiance, de prudence et défiance. On ne peut pas dire ou afficher la confiance, et ne pas la faire vivre…C’est schizophrénique ! Enfin, Ce que l’on sait moins, c’est que la confiance permet de baisser les coûts dits de transaction et, les coûts de contrôle. Pourquoi ? C’est assez simple à comprendre en cette période. Depuis les terribles vagues d’attentats que nous avons vécues, les systèmes de sécurité sont omniprésents (portiques de sécurité, agents de sécurité, etc.). L’état d’urgence « consomme » de nombreuses ressources, le budget de l’intérieur vient d’être revu à la hausse…et c’est un sujet sérieux, vous en conviendrez, car il parle de la sécurité de chacun d’entre nous mais effectivement, la méfiance accroit les coûts. Les entreprises les plus performantes, les plus innovantes et les plus rapides ont aussi des systèmes de contrôle, mais adaptés à leurs besoins …Aux endroits où il faut aller vite, innover, dépasser un concurrent, la « confiance » est présente quotidiennement car elle laisse travailler, réagir et s’ajuster. Nous sommes persuadés chez Kronos que cette capacité à faire confiance est en nous. Nous avons grandi avec, puis, selon notre parcours, notre histoire, nous avons plus ou moins été confrontés à elle…cette fameuse confiance. Mais encore une fois, N. Luhmann propose une lecture des choses un peu décalée qui doit faire réfléchir chacun d’entre nous, nos dirigeants, nos managers : « […] mais la confiance « se donne »; on ne peut pas exiger qu’on nous l’accorde comme nous exigeons de ne pas être déçus, une fois qu’elle a été accordée ». Donner sa confiance n’engage que celui qui la donne. En tout cas, il ne peut y avoir une sorte de redevabilité de fait car il y aurait comme un contre sens. Je décide d’avancer dans la vie en faisant confiance. Si l’autre n’est pas à la hauteur de ma confiance, je ne peux lui en vouloir, ni m’en vouloir…et cela ne doit pas m’empêcher de continuer à avancer en faisant confiance. Nos managers et nos équipes dirigeantes gagneraient à partager ensemble sur le niveau de confiance qui plane dans l’entreprise…clarifier sa réalité opérationnelle et relationnelle et gommer tout ce qui la bloque ou la contraint. Il y a là une source accessible rapidement de progrès et de réussite pour les défis que l’entreprise doit relever…. Sinon, quelle autre alternative a-t-on ? En entreprise, la confiance, sinon rien ! A très vite ! Pierre