Faciliter la décision collective

Faciliter la décision collective

Publié le 16/07/2018

Les 5 défis du Manager facilitateur

Les enjeux de la décision partagée

Les études prospectives sur l’évolution du management placent régulièrement la pratique de la décision, la résolution de problème complexe et l’aptitude à la collaboration dans le top 10 des compétences clés à renforcer et maitriser chez les managers. Baignés dans des environnements VICA (Volatils, Incertains, Complexes, Ambigus) et pris dans la spirale alternant intensification (du travail) et accélération (des cycles), les managers ont des rendez-vous de plus en plus fréquents avec l’angoisse de la décision individuelle et la complexité de la décision collective.

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Déjà ardu au niveau individuel, le processus de décision peut se transformer en équation insoluble, lorsqu’en bon manager inclusif, vous plongez vos équipes au cœur du réacteur décisionnel, avec une ambition de démocratie et d’intelligence collective… La nécessaire intégration de ces trois méta compétences, l’exigence des écosystèmes 3.0 et les fortes attentes des équipes en termes de participation aux décisions appellent naturellement managers et dirigeants à évoluer vers une posture de facilitateur de décision collective. L’activation de tout ou partie des neuf clés du facilitateur peut alors s’avérer précieuse.  

Les difficultés de la décision partagée

Nous rappelons régulièrement dans nos séminaires ce proverbe africain : « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » Or, en matière de décision, », nous constatons souvent « Qu’ensemble on va moins loin et plus lentement. » si nous n’avons pas réussi à surmonter certains obstacles et ajuster certains mécanismes Voici 5 défis pour tout facilitateur de décision collective :   1. Valider le bon niveau de subsidiarité et de participation La réflexion managériale réintègre actuellement le principe de subsidiarité comme clé de voûte du management 3.0. Ce principe établit que toute responsabilité doit être assumée par le niveau directement confronté à la problématique à résoudre, les échelons supérieurs n’intervenant que si la réponse à donner excède les capacités du niveau évoqué. Avant d’entamer un processus de décision collective, il vous faudra donc valider la nature de la décision à prendre afin de ne pas sur ou sous-démocratiser vos processus de décision et de générer d’évitables frustrations. Le schéma ci-joint rappelle les 5 niveaux potentiels de décision appelant des processus spécifiques à chaque « étage ». Seuls les niveaux « concertation » et « co-décision » (décision collective) appellent réellement un processus de facilitation de la part du leader.

Les 5 niveaux de décision

Les 5 niveaux de décision[/caption]   Décision Autocratique : La décision est de votre responsabilité unique, vous avez 100% des informations, il existe une contrainte de temps, vous prenez la décision. Consultation : Vous consultez vos collaborateurs, prenez en compte (ou pas) leurs avis et vous décidez. Concertation :  Vous mettez en place une structure et un processus de co-construction de la décision, vous concertez afin d’enrichir la décision et vous prenez la décision finale. Décision collective : La décision est complexe, le niveau de décision est attribué au collectif, vous facilitez le processus d’émergence mais vous agissez comme un membre de l’équipe, le collectif prend la décision finale. Délégation : La décision ne vous appartient pas, ce sont vos collaborateurs qui prennent la décision, vous pouvez demander à être informé (ou pas) mais vous ne changerez pas la décision.   2. Réguler l’impact des influenceurs de décision Biais de conformité, de confirmation, aversion aux pertes, effet de halo, excès de confiance, loi des petits nombres… la décision individuelle est souvent un combat de soi-même contre ses propres biais cognitifs, ces fameux mécanismes qui causent une déviation de la pensée et perturbent le processus de décision. Dans les temps de décisions collective, ces biais viennent souvent faire écho avec les « styles de décision » de chaque participant et peuvent perturber fortement la construction de la décision commune en cas de régulation insuffisante de tous ces mécanismes de distorsion par le facilitateur.

Style de décision - L'impact des préférences cognitives   
Style de décision - L'impact des préférences cognitives

L’enjeu pour le facilitateur est donc de repérer les schémas répétitifs et structurants du collectif pour l’aider à ne pas s’y enfermer et redonner du souffle à la réflexion commune en créant des passerelles et des fertilisations entre les différents styles. Il pourra ainsi favoriser de l’inédit et de l’émergence par un travail de régulation et d’éclairage différent sur la situation vécue par le groupe.   3. Gérer les egos et les jeux de pouvoir Le courant de l’analyse stratégique des organisations porté par Michel Crozier et Erhard Friedberg (L’acteur et le système (1977) ; Le pouvoir et la règle (1994)) met l’accent sur la dimension politique de la décision en en faisant un instrument potentiel de pouvoir. Les auteurs décrivent les organisations comme le théâtre de jeux où les acteurs cherchent à maximiser leurs intérêts, préserver leurs zones d’incertitudes et de pouvoir et agir en stratège pour obtenir des bénéfices.

Partie_d'échec

Le facilitateur doit être capable de décrypter ces intentions calculées et repositionner régulièrement le débat au niveau de ses enjeux généraux et de ses objectifs collectifs. Il lui faudra donc, ici, activer la clé du recadrage vers le contrat social construit par le groupe, en y ajoutant une touche de méta-communication confrontante et bienveillante, favorisant ainsi la prise de conscience et la co-responsabilité des acteurs.   4. Intégrer, canaliser et utiliser les émotions Antonio Damasio (L’erreur de Descartes, 1995) a fortement contribué à notre meilleure compréhension du rôle des émotions dans les processus de décision.

António Damásio parle au micro
António Damásio

Loin d’être exclusivement rationnelle, il a montré que la décision est un processus mixant raison et émotion, dans un dialogue quasi instantané entre les zones limbiques et corticales de notre cerveau. Pour Alain Berthoz (professeur au collège de France et directeur du laboratoire de physiologie et de perception au CNRS), « L’émotion est à la décision ce que la posture est au geste. Elle est préparation de l’action, établit le contexte dans lequel est vécue l’action et favorise la neuro-computation ». L’acceptation et la bonne intégration de l’émotion dans la décision est donc tout à fait essentielle au processus. Simplement, quand elle est collective, la décision peut être chahutée par des mécanismes de contagion émotionnelle* basés sur le mimétisme et l’imitation. Une contagion émotionnelle positive peut par exemple favoriser l’acceptation d’un changement organisationnel ou d’une idée plus ou moins pertinente, quand une contagion émotionnelle négative peut renforcer la méfiance et la frilosité des co-décisionnaires. Dans cette situation, l’enjeu pour le facilitateur sera de sentir l’état interne du collectif, accepter et utiliser les émotions, maitriser la contagion émotionnelle et la transformer en mouvement utile au propos. *Une vision de la prise de décision rationnelle et irrationnelle, un construite irrationnel et collectif (d. Hoorebeke, 2013)   5. Faire vivre le processus au service du collectif Les spécialistes de la dynamique des groupes nous sensibilisent au fait qu’un collectif n’a pas d’énergie en propre ou spontané et qu’il appartient au leader d’activer les leviers d’Action, de Relation et d’Organisation. Dans un processus de décision collective, le facilitateur a la lourde charge de permettre au collectif de vivre les étapes essentielles de la co-décision dans une démarche « structurante et habilitante » permettant l’ouverture (émergence) et la focalisation (convergence). Il est le garant de la fluidité, de l’articulation et du rythme, et compose avec les niveaux et les types d’énergie pour amener son équipage à bon port.

schéma_processus_de_decision_type  

Or, en tant que facilitateur, nous le savons, il est parfois difficile d’être connecté au groupe tout en garantissant le bon déroulé du processus. Cette gymnastique demande pratique et doigté pour générer la bonne oscillation entre efficacité court terme et apprentissage collectif. L’intégration et la maîtrise de ces cinq défis est un bon préalable pour tout manager souhaitant basculer progressivement vers une posture de facilitateur de décision. Nous verrons dans un prochain billet en quoi ces leviers sont particulièrement utiles pour les pratiques renouvelées de la décision collective. A bientôt,   Pour en découvrir davantage sur le sujet, nous vous convions à notre webinaire :

Faciliter la décision collective : 6 clés à l’usage des managers

Interview de Laurent Juguet dans la Tête à l'Envers :


Crédits : Wikipédia  - António Damásio no "Fronteiras do Pensamento" em Porto Alegre, Brasil, 2013 - Attribution-ShareAlike 2.0 Generic (CC BY-SA 2.0) Icon made by Freepik from www.flaticon.com : https://www.flaticon.com/free-icon/magician-hat_106514#term=magic%20wands&page=1&position=29   Les neuf clés du manager facilitateur selon Kronos    

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Laurent Juguet
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Laurent Juguet

13 ans d’expérience riches et diverses de management dans des enseignes de la distribution et du négoce : direction de centre de profit, direction multi site, pilotage de projets transverses…
Expérience en cabinet RH: Recrutement-Evaluation-Coaching-Conseil en management-Formation

Certification :
- MBTI

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